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MINISTRES EN 20 ANS – L’ÉTERNISATION DU POUVOIR, UN MODÈLE DE GOUVERNANCE ?

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Ils appartiennent à la même génération, viennent des deux sexes et ont été reconduits à leurs fonctions à travers huit remaniements ministériels. Ces quatre ministres, toujours en poste après 20 ans de service au Cameroun, incarnent un modèle de gouvernance qui interroge. Si la loi du 12 juillet 2017 relative aux établissements et entreprises publics fixe clairement la durée des mandats des présidents de conseils d’administration dans les entités publiques, aucune disposition similaire ne s’applique aux ministres. Leur maintien en fonction repose uniquement sur la confiance et le pouvoir discrétionnaire du président de la République.

Ainsi, tandis que le gouvernement dirigé par Joseph Dion Ngute s’apprête, le 4 janvier 2025, à battre le record de longévité avec six ans consécutifs de fonctionnement, quatre ministres célèbrent également deux décennies de présence ininterrompue à leurs postes :

Jacques Fame Ndongo, ministre d’État chargé de l’Enseignement supérieur.

Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce.

Pierre Hélé, ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable.

Madeleine Tchuenté, ministre de la Recherche scientifique et de l’Innovation.

Ces personnalités ont traversé les mandatures des Premiers ministres Ephraïm Inoni, Philemon Yang et, actuellement, Joseph Dion Ngute, sous les 42 ans de règne de Paul Biya.

Les impacts d’un modèle de gouvernance pérenne

Ce modèle de gouvernance, marqué par une longévité exceptionnelle, a des conséquences notables sur le fonctionnement global du gouvernement et la gestion individuelle des ministères concernés, avec un impact direct sur la société camerounaise.

Sur la gouvernance :

Affaiblissement de l’État de droit : Une telle longévité peut rapprocher certains ministères d’un modèle quasi-monarchique, où la proximité avec la hiérarchie suprême favorise un environnement propice à la corruption, au népotisme et aux abus d’influence.

Manque de transparence et de responsabilité : Une durée excessive au pouvoir limite les mécanismes de contrôle et de responsabilisation. Les décisions peuvent être prises unilatéralement, sans consultation citoyenne ni transparence.

Ralentissement du développement économique et social : La gestion opaque des ressources et l’absence de renouvellement des idées freinent les réformes nécessaires et entravent l’accès aux services de base.

Instabilité politique : L’inefficacité d’une telle gouvernance peut alimenter des tensions au sein du gouvernement, des conflits d’intérêts et des luttes de pouvoir interministérielles, aggravant la méfiance entre acteurs politiques.

Une perception confuse des ministères concernés

Enseignement supérieur :

L’initiative la plus marquante de ces deux dernières décennies reste le lancement, en 2018, de la distribution de 500 000 ordinateurs portables aux étudiants, dans le cadre du programme « Higher Education Vision » du président Paul Biya. Malgré des annonces prometteuses, la qualité des appareils a rapidement été mise en cause par les bénéficiaires, suscitant des critiques sur leur coût et leur utilité.

Recherche scientifique et innovation :

Pendant la pandémie de COVID-19, le ministère a semblé désorienté, avec des interventions peu crédibles de Madeleine Tchuenté. Face à l’urgence mondiale, son département n’a pas su rassurer une population déjà submergée par la désinformation et la panique.

Commerce :

Luc Magloire Mbarga Atangana est principalement associé à la hausse constante des prix des denrées alimentaires. L’incapacité à réguler efficacement les augmentations de prix, parfois imposées unilatéralement par les entreprises, a fragilisé la confiance des Camerounais. L’asphyxie alimentaire persistante et les plaintes des entrepreneurs locaux sur des règles d’import-export inéquitables restent des points noirs de son bilan.

Environnement :

La gestion de Pierre Hélé est marquée par une inertie face aux enjeux climatiques. Alors que des solutions de gestion des déchets et des pratiques durables sont enseignées ailleurs dès l’adolescence, le Cameroun reste confronté à des défis écologiques majeurs : pollution, absence de transformation des déchets ménagers et inertie dans la lutte contre le changement climatique.

Une interrogation persistante

Ces 20 années de continuité posent des questions légitimes sur l’impact positif réel de cette gouvernance et sur les motivations derrière le maintien de ces ministres à leurs postes. À l’aube des défis sociaux actuels au Cameroun, il devient difficile de justifier une telle longévité au regard des attentes des populations et des résultats obtenus.

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ZeroMalheur

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