Home > politique > MADAME DARLAN, AU CŒUR DES BATAILLES JURIDICO POLITIQUES POUR LA CONQUETE DU POUVOIR

MADAME DARLAN, AU CŒUR DES BATAILLES JURIDICO POLITIQUES POUR LA CONQUETE DU POUVOIR

Spread the love

Désormais ancienne Présidente de la Cour Constitutionnelle de son pays, Danièle Darlan méthodiquement évincée de son poste depuis le 25 octobre dernier par le Président TOUADERA, a décidé de « tourner la page » mais demeure préoccupée par une éventuelle « instabilité constitutionnelle ».

L’ « empêchement définitif » évoqué par Faustin Archange TOUADERA résulte d’une stratégie savamment menée. En effet, c’est à la faveur du décret N°22.419 daté du 03 octobre 2022 abaissant l’âge de départ à la retraite des cadres de l’enseignement supérieur, que le Président centrafricain a relevé de ses fonctions quelques semaines plus tard Madame Darlan de son poste de Présidente de la Cour Constitutionnelle centrafricaine.

Selon toute vraisemblance, Danièle Darlan est dans le viseur d’une éviction depuis sa décision invalidant la procédure lancée par le Président TOUADERA à propos d’une éventuelle révision de la Constitution. Une décision qui gênait clairement les projets de l’Exécutif qui envisage de se représenter pour un troisième mandat, chose non permise par la Constitution dans sa forme actuelle. L’action menée ouvre ainsi la voie à la possibilité d’une modification de la Constitution en faveur d’un troisième mandat à travers le référendum du 18 décembre prochain annoncé par les partisans du Président. Il subsiste cependant des interrogations sur la légalité de cette procédure, laquelle a été invalidée par la Présidente sortante de la Cour Constitutionnelle. Le départ de la juge entraine-t-il également l’annulation de sa décision ?

Une bataille juridique de haut vol

« J’entends parler d’un referendum constitutionnel pour décembre. Ceux qui en parlent savent-ils que la question d’un référendum a déjà été tranchée par la Cour Constitutionnelle dirigée par Madame Danièle Darlan ? Que cette décision n’a pas disparu ? », S’interroge Crépin Mboli-Goumba, coordonnateur du Bloc Républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), rappelant ainsi au passage que les décisions de cette instance sont insusceptibles de recours. Le non-respect de ces dispositions pourrait entrainer une « insécurité juridique ». En effet, la Cour Constitutionnelle est l’organe chargé d’assurer la primauté de la Constitution. Elle contrôle notamment la conformité des lois, décrets et règlements à la norme suprême. A ce titre, ses décisions sont insusceptibles de recours. Les décrets du Président TOUADERA ont été à juste titre annulés en raison d’un non-respect des conditions de révision de la Constitution. Ainsi, « la révision de la Constitution ne peut être opérée qu’après la mise en place du Sénat », qui n’est à ce jour pas encore institué comme le relève la décision. Une « victoire éclatante pour tous les démocrates où qu’ils soient », comme le souligne Me Crépin Mboli-Goumba, principal requérant à cette procédure d’invalidation.

Danièle Darlan juriste jusqu’au bout

Dans sa correspondance du 27 octobre suivant, Danièle Darlan souligne que les décrets qui ont mis fin à son mandat et celui du juge Trinité BANGO SANGAFIO n’ont pas de base légale et sont de ce fait, inconstitutionnels. Elle a également rappelé au Président de la République les dispositions de la Constitution centrafricaine qui précise que les juges constitutionnels sont inamovibles pendant la durée de leur mandat qui est de 07 ans, le sien devant s’achever en 2024. Juridiquement, seules trois exceptions permettent le remplacement d’un membre : le décès, la démission ou l’empêchement définitif du juge, des catégories dans lesquelles en principe, Madame Darlan ne se retrouve pas.

« Il faut que l’on soit des juristes, qu’on ne verse pas dans la politique », précise-t-elle. « C’est une juridiction, nous sommes des juges, mais c’est une juridiction qui traite des questions éminemment politiques ».

La conservation du pouvoir : FAT, échec et mat

Si l’opposition a annoncé un recours en inconstitutionnalité contre ce décret, d’autres voix révoltées s’élèvent contre ce que certains considèrent l’application flagrante de logique de conservation du pouvoir en Centrafrique. Kerwin MAYIZO, analyste politique centrafricain estime que l’enjeu derrière cette manœuvre est relatif aux « velléités de briguer un troisième mandat par le Président TOUADERA », en mettant en œuvre une « vendetta » contre celle qui ose s’opposer à ce qu’il dénonce comme étant un « coup d’Etat constitutionnel ». Néanmoins, Danièle Darlan préfère se retirer et « tourner la page ».

Elue en 2017 à la tête de l’institution, l’ancien professeur de droit à l’Université de Bangui est la première femme à occuper ce poste. Elle a d’abord postulé pour la Cour Constitutionnelle de transition qui est par la suite devenue la Cour Constitutionnelle. Elle a fait de la sauvegarde de la démocratie et de l’Etat de droit son cheval de bataille, en préservant la justice constitutionnelle qui est l’organe privilégié permettant la défense de la Constitution, des droits et des libertés fondamentales que celle-ci consacre.

 

Leave a Reply